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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE



399.

Se contenter. — Lorsque l’on a atteint la maturité de la raison, on ne s’aventure plus aux endroits où poussent les fleurs rares sous les broussailles les plus épineuses de la connaissance, et l’on se contente des jardins, des prairies et des chants, considérant que la vie est trop courte pour les choses rares et extraordinaires.

400.

Avantage dans la privation. — Celui, qui vit toujours dans la chaleur et la plénitude du cœur et en quelque sorte dans l’atmosphère estivale de l’âme, ne peut se figurer ce ravissement épouvantable qui s’empare des natures hivernales quand elles sont exceptionnellement touchées par un rayon d’amour et le souffle tiède d’un jour ensoleillé de février.

401.

Recette pour le martyr. — Le poids de la vie est trop lourd pour toi ? — Augmente donc le fardeau de ta vie. Si celui qui souffre finit par avoir soif des eaux du Léthé et qu’il les cherche — il faut qu’il devienne héros pour être sûr de les trouver.

402.

Le juge. — Celui qui a vu l’idéal de quelqu’un devient pour celui-ci un juge impitoyable, en quelque sorte sa mauvaise conscience.