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OPINIONS ET SENTENCES MÊLÉES

mauvais prend du prestige, ce qui a de la valeur y perd — surtout en art.

382.

Dernier enseignement de l’histoire. — « Hélas ! que n’ai-je vécu alors ! » — c’est ainsi que parlent les hommes insensés et folâtres. Au contraire, à chaque fragment d’histoire que l’on aura étudié sérieusement, fût-ce même la terre promise du passé, on finira par s’écrier : « Non, je ne voudrais y revenir à aucun prix ! l’esprit de cette époque pèserait sur moi, avec une pression de cent atmosphères, je ne pourrais me réjouir de ce qu’elle a de beau et de bon, ni digérer ce qu’elle a de mauvais. » — Il est certain que la postérité jugera de même au sujet de notre époque : on dira qu’elle fut insupportable et que la vie ne méritait pas d’y être vécue. — Et pourtant chacun arrive à s’accommoder de son temps ? — C’est non seulement parce que l’esprit de son temps pèse sur lui, mais encore parce qu’il l’a en lui. L’esprit du temps se résiste à lui-même, il se porte lui-même.

383.

La générosité comme masque. — Avec de la générosité dans l’attitude on exaspère ses ennemis, avec de l’envie manifestée, on se les concilie presque : car l’envie compare, met en parité, elle est une façon d’humilité involontaire et plaintive. — À cause de l’avantage indiqué, l’envie n’aurait-elle pas été prise comme masque par ceux qui n’étaient pas envieux ? Peut-être. Ce qui est certain