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OPINIONS ET SENTENCES MÊLÉES



296.

Les meilleurs recéleurs. — Tous ceux qui sont habitués au succès sont pleins d’astuce pour présenter toujours leurs défauts et leurs faiblesses comme de la force apparente : d’où il ressort qu’ils connaissent ceux-ci particulièrement bien et qu’ils savent s’en servir.

297.

De temps en temps. — Il s’assit sous la porte de la ville et il dit à quelqu’un qui y passait que c’était là la porte de la ville. Celui-ci lui répondit que, bien qu’il dise la vérité, il ne fallait pas avoir raison trop souvent si l’on voulait en récolter de la reconnaissance. Oh ! se prit-il à dire, je ne tiens pas à la reconnaissance, mais, de temps en temps, il est très agréable, non seulement d’avoir raison, mais encore de garder raison.

298.

La vertu n’a pas été inventée par les Allemands. — La noblesse et l’absence d’envie chez Goethe, la résignation altière et solitaire chez Beethoven, la suavité et la grâce du cœur chez Mozart, la virilité inébranlable et la liberté sous la loi chez Hændel, la vie intérieure, confiante et transfigurée, qui n’a même pas besoin de renoncer à la gloire et au succès, chez Bach ! — sont-ce là des qualités allemandes ? Mais, si ce n’est pas le cas, montrez-nous du moins à quoi doivent aspirer les Allemands et ce qu’ils peuvent atteindre.