Page:Nietzsche - Humain, trop humain (2ème partie).djvu/132

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
132
HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE

fessait pour l’épigramme de Simonide, qui se présente si fruste, sans pointes dorées et sans les arabesques du jeu de mot, — mais qui dit ce qu’il veut dire, clairement, avec la tranquillité du soleil, et non pas comme l’éclair, avec la recherche de l’effet. Est grecque l’aspiration à la lumière, venant en quelque sorte d’un crépuscule inné, et c’est pourquoi une jubilation traverse le peuple lorsqu’il écoute une sentence laconique, la langue gnomique de l’élégie, ou les axiomes de sept sages. C’est pourquoi l’on aimait tant les préceptes en vers qui choquent notre goût, car c’était là, pour l’esprit grec, une véritable lâche apollinienne qui avait pour but de vaincre les dangers du mètre, les obscurités qui sont, d’autre part, le propre de la poésie. La simplicité, la souplesse, la clarté sont acquises par effort au génie du peuple, il ne les possède pas depuis l’origine, — le danger d’un retour à l’asiatique plane toujours sur les Grecs, et l’on croirait vraiment que, de temps en temps, arrivait sur eux comme un sombre débordement d’impulsions mystiques, de sauvageries et d’obscurités élémentaires. Nous les voyons plonger, nous voyons l’Europe emportée et submergée par le flot — car l’Europe était alors très petite — mais ils reviennent toujours à la lumière, étant de bons nageurs et de bons plongeurs, eux, le peuple d’Ulysse.

220.

Ce qui est vraiment païen. — Peut-être n’y a-t-il rien de plus étrange, pour celui qui regarde le monde grec, que de découvrir que les Grecs