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DEUXIÈME PARTIE

tiques, et aussi, comme il me semble, le chemin vers moi-même, — le chemin de ma tâche. Ce quelque chose de caché et de dominateur qui longtemps pour nous demeure innommé, jusqu’à ce qu’enfin nous découvrions que c’est là notre tâche, — ce tyran prend sur nous et en nous une terrible revanche, à chaque tentative que nous faisons pour l’éviter et pour lui échapper, à chaque décision prématurée, à chaque essai pour nous assimiler à ceux dont nous ne faisons point partie, chaque fois que nous nous adonnons à une occupation, si estimable soit-elle, qui nous détourne de notre objet principal, — et il se venge même de chacune de nos vertus qui voudrait nous protéger contre la rigueur de notre responsabilité la plus intime. La maladie est chaque fois le contre-coup de nos doutes, quand notre droit et notre tâche nous paraissent incertains, — quand nous commençons à nous relâcher quelque peu. Chose étrange et terrible en même temps ! Ce sont nos allègements qu’il nous faut expier le plus durement ! Et si, plus tard, nous voulons revenir à la santé, il ne nous reste pas de choix : nous devons nous charger plus lourdement que nous ne l’avons jamais été…

5.

— C’est alors seulement que j’appris ce langage d’ermite, à quoi ne s’entendent que les plus silencieux et les plus souffrants : je parlai sans témoins, ou plutôt avec l’indifférence vis-à-vis des témoins, pour ne pas souffrir du silence, je parlai de choses qui ne me regardaient pas, mais sur le ton que