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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE

pouvoir s’en passer complètement et, à cause de cela, il les considère en général comme superflus — car c’est sans leur concours qu’il est devenu ce qu’il est —, d’autre part leur influence contrecarre l’effet de son courant électrique : c’est pourquoi il les tient même pour nuisibles.

193.

La pire destinée d’un prophète. — Il a travaillé pendant dix ans à convaincre ses contemporains — et il y a enfin réussi ; mais dans l’intervalle ses adversaires sont aussi parvenus à leurs fins : de leur côté ils l’ont persuadé, et il n’est plus du tout convaincu de la vérité de sa doctrine.

194.

Trois penseurs égalent une araignée. — Dans toute secte philosophique, trois penseurs se succèdent dans le rapport suivant : le premier engendre par lui-même le suc et la semence, le second en tire des fils et tisse une toile artificielle, le troisième s’embusque dans cette toile et guette les victimes qui s’y aventurent — pour vivre aux dépens de la philosophie.

195.

Les rapports avec les auteurs. — C’est une tout aussi mauvaise manière de fréquenter un auteur en le menant par le bout du nez qu’en le prenant par les cornes — et chaque auteur a des cornes.

196.

Attelage à deux . — Les idées obscures et l’exal-