désillusion j’allais être condamné à me défier plus
encore, à mépriser plus profondément, à être plus
absolument seul que jamais. Ma tâche — qu’était-elle
devenue ? Comment ? n’était-ce pas maintenant
comme si ma tâche se retirait de moi ?
comme si, pour longtemps, je n’avais plus droit à
elle ? Que faire pour supporter cette privation, la plus
grande de toutes ? — Je commençai par m’interdire,
radicalement et par principe, toute musique
romantique, cet art ambigu, fanfaron, étouffant, qui
prive l’esprit de sa sévérité et de sa joie et qui fait
pulluler toutes sortes de désirs vagues et d’envies
spongieuses. « Cave musicam », c’est aujourd’hui
encore mon conseil à tous ceux qui sont assez virils
pour tenir à la netteté dans les choses de l’esprit.
Une pareille musique énerve, amollit, effémine,
son « éternel féminin » nous attire en bas !…
Mes premiers soupçons se sont alors dirigés contre
la musique romantique, je pris mes précautions ; et
si j’espérais encore quelque chose de la musique,
c’était dans l’attente d’un musicien assez audacieux,
assez méchant, assez méditerranéen et débordant
de santé, pour prendre sur cette musique une immortelle
vengeance. —
Solitaire désormais et me méfiant jalousement de moi-même, je pris alors, et non sans colère, parti contre moi-même, et pour tout ce qui justement me faisait mal et m’était pénible : — c’est ainsi que j’ai retrouvé le chemin de ce pessimisme intrépide qui est le contraire de toutes les hâbleries roman-