ce dont la nature a besoin pour subsister est si
vaste et absorbe des forces si diverses et si nombreuses
que, pour chaque avantage accordé d’une part,
soit à la science, soit à l’État, soit à l’art, soit
au commerce, où tendent ces individus, l’humanité
est d’autre part obligée de pâtir. Ce fut toujours
la plus grande calamité de la culture, lorsque l’on
se mit à adorer des hommes et, dans ce sens, on
peut être d’accord avec l’axiome de la loi mosaïque
qui défend d’avoir d’autres dieux à côté de Dieu.
— Au culte du génie et de la force, il faut toujours
opposer, comme complément et comme remède, le
culte de la culture : lequel sait accorder aussi, à ce
qui est grossier, médiocre, bas, méconnu, faible,
imparfait, incomplet, boiteux, faux, hypocrite, et
même à ce qui est méchant et terrible, de l’estimé
et de la compréhension, et faire l’aveu que tout
cela est nécessaire. Car l’harmonie et le développement
de ce qui est humain, à quoi l’on est parvenu
par d’étonnants travaux et coups de hasard
qui sont autant l’œuvre de cyclopes et de fourmis
que de génies, ne doivent plus être perdus : comment
pourrions-nous donc nous passer de la base
fondamentale, profonde et souvent inquiétante,
sans laquelle la mélodie ne saurait être mélodie ? —
L’ancien monde et la joie. — Les hommes de l’ancien monde savaient mieux se réjouir : nous nous entendons à nous attrister moins ; ceux-là découvraient toujours de nouvelles raisons pour goûter leur bien-être et pour célébrer des fêtes, ils