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OPINIONS ET SENTENCES MÊLÉES

sans le combattre, et que le doute au sujet de la qualité d’une chose — tel qu’il naît rapidement avec un goût quelque peû exercé — peut nous servir d’argument contre cette chose, et de motif pour l’éviter complètement : au risque de nous tromper quelquefois et de confondre le bien difficilement abordable avec le mauvais et le médiocre. Seul celui qui ne sait rien faire de mieux doit s’attaquer aux turpitudes du monde, en soldat de la culture : mais ceux qui doivent entretenir la culture et répandre ses enseignements se nuisent à eux-mêmes s’ils demeurent les armes à la main et transforment, par leur vigilance, leurs gardes de nuit et leurs mauvais rêves, la paix de leur vocation et de leur foyer en une inquiétude belliqueuse.

184.

Comment il faut raconter l’histoire naturelle. — L’histoire naturelle, étant l’histoire de la lutte victorieuse de la force moralo et intellectuelle, contre la peur et l’imagination, la paresse, la superstition, la folie, devrait être racontée de façon à ce que chacun de ceux qui l’entendent soit entraîné irrévocablement à aspirer à la santé et à l’épanouissement intellectuels et physiques, à ressentir la joie d’être l’héritier et le continuateur de tout ce qui est humain et à se vouer à un esprit d’entreprise toujours plus noble. Jusqu’à présent, elle n’a pas encore trouvé son véritable langage, parce que les artistes inventifs et éloquents — il en faut pour cela — ne peuvent pas se débarrasser d’une méfiance obstinée à son égard et, avant tout,