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OPINIONS ET SENTENCES MÊLÉES

nous considérions jadis, lorsque nous étions des jeunes gens, comme de l’art. Mais il va de soi que, pour certaines époques de la vie, un art de l’exaltation et de l’émotion répond à un besoin naturel, de même que la répugnançe contre tout ce qui fest réglé, monotone, simple et logique, que cet art doit nécessairement correspondre à l’artiste, pour que l’âme de pareilles époques de vie n’aille pas faire explosion sur une autre voie, par toutes sortes d’excès et de désordres. C’est ainsi que les jeunes gens, tels qu’ils sont généralement, pleins d’exubérances et tourmentés par l’ennui plus que par toute autre chose, — c’est ainsi que les femmes, à qui manqueun bontravailqui remplit l’âme, ont besoin de cet art du désordre ravissant : mais avec d’autant plus de violence, s’enflamme leur désir d’une satisfaction sans changement, d’un bonheur sans léthargie et sans ivresse.

174.

Contre l’art des œuvres d’art. — L’art doit avant tout embellir la vie, donc nous rendre nous-mêmes tolérables aux autres et agréables si possible : ayant cette lâche en vue, il modère et nous tient en brides, crée des formes dans les rapports, lie ceux dont l’éducation n’est pas faite à des lois de convenance, de propriété, de politesse, leur apprend à parler et à se taire au bon moment. De plus, l’art doit cacher et transformer tout ce qui est laid, ces choses pénibles, épouvantables et dégoûtantes qui, malgré tous les efforts, à cause des origines de la nature humaine, viendront toujours