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HUMAIN, TROP HUMAIN

vail aussi piquant et aussi méticuleux, il coule à l’occasion un peu de sang, si le psychologue y garde du sang aux doigts, et peut-être pas seulement — aux doigts ?…

2.

Les Opinions et Sentences mêlées, comme le Voyageur et son Ombre, ont été publiées tout d’abord séparément, en continuation et appendice de ce livre humain, trop humain que je viens de nommer, « livre dédié aux esprits libres » : c’était en même temps la continuation et le redoublement d’une cure intellectuelle, je veux dire du traitement anti-romantique, tel que l’avait imaginé et administré mon instinct demeuré sain, pour combattre la maladie intermittente dont j’étais atteint : le romantisme sous sa forme la plus dangereuse. Puisse-t-on goûter maintenant, après six ans de guérison, les mêmes écrits réunis comme deuxième volume de Humain, trop humain : peut-être, ainsi réunis, présentent-ils leur enseignement avec plus de force et de précision, — une doctrine de la santé que je permettrai de recommander aux natures plus intellectuelles de la génération montante, comme disciplina voluntatis. Un pessimiste y prend la parole, un pessimiste qui souvent voulut jeter le manche après la cognée et qui toujours s’est remis à l’ouvrage, un pessimiste donc, avec la bonne volonté du pessimisme, et certainement plus un romantique : comment ? un esprit qui s’entend à cette ruse de serpent qui consiste à changer de peau, n’aurait-il pas le droit de donner une leçon