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HUMAIN, TROP HUMAIN


qu’il en va pour eux comme d’ordinaire pour ceux qui examinent des camées : ce sont des gens qui jouent parce qu’ils ne savent pas aimer[1], prompts à l’admiration, mais plus prompts encore à la fuite.

36.

Objection. — Ou bien faudrait-il décompter avec cette proposition, que l’observation psychologique fait partie des moyens d’attrait, de salut et d’allégement de l’existence ? Faudrait-il dire qu’on s’est assez convaincu des conséquences fâcheuses de cet art, pour en détourner à dessein le regard de ceux qui font leur éducation ? En effet, une certaine foi aveugle en la bonté de la nature humaine, une répugnance enracinée envers la décomposition des actions humaines, une sorte de pudeur à l’égard de la mise à nu des âmes, pourraient être réellement des choses plus désirables pour la félicité totale d’un homme que cette qualité, avantageuse dans des cas particuliers, de la pénétration psychologique ; et peut-être la croyance au bien, aux hommes et aux actes vertueux, à une plénitude de bien-être impersonnel dans le monde, a-t-elle fait les hommes meilleurs, en ce sens qu’elle les faisait moins défiants. Si l’on imite avec enthousiasme les héros de Plutarque et que l’on ressente une répugnance à

  1. Il y a dans le texte un jeu de mots sur loben et lieben.