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HUMAIN, TROP HUMAIN

nomme d’habitude hommes profonds — sont, en face de toute apparition soudaine, relativement calmes et résolus : car au premier moment l’impression était encore superficielle, elle ne devient qu’ensuite profonde. Ce sont les choses et les personnes longuement prévues et attendues qui excitent le plus de telles natures et les rendent presque incapables de présence d’esprit lorsqu’elles arrivent enfin,

624.

Relation avec le Moi supérieur. — Tout homme a son bon jour , où il trouve son Moi supérieur ; et la véritable humanité veut qu’on n’apprécie chacun que d’après cet état et non d’après les jours ouvrables de dépendance et de servilité. On doit, par exemple, juger et honorer un peintre d’après la vision la plus haute qu’il a été capable d’avoir et de rendre. Mais les hommes eux-mêmes ont des relations très diverses avec ce Moi supérieur et sont souvent leurs propres comédiens, en ce sens qu’ils recommencent toujours à imiter dans la suite ce qu’ils sont dans ces moments. Beaucoup vivent dans la frayeur et l’humilité devant leur idéal et voudraient le renier : ils ont peur de leur Moi supérieur, parce que, quand il parle, il parle arrogamment. En outre il jouit de la liberté mystérieuse de venir et départir comme il veut ; c’est pourquoi on l’appelle souvent un don des dieux, tandis qu’en réalité c’est