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HUMAIN, TROP HUMAIN


605.

Le danger des opinions libres. — Le léger contact avec des opinions libres procure une excitation, comme une sorte de cri de joie ; si on lui donne davantage, on commence à frotter les endroits jusqu’à ce qu’enfin il se produise une plaie ouverte et douloureuse : c’est-à-dire jusqu’à ce que l’opinion libre commence à nous troubler, à nous torturer dans l’orientation de notre existence, dans nos rapports sociaux.

606.

Désir d’une profonde douleur. — La passion laisse, quand elle est passée, un regret obscur d’elle-même, et nous jette encore, tandis qu’elle disparaît, un regard séducteur. Il faut bien qu’il y ait une sorte de plaisir à être frappé de ses fouets. Les sentiments médiocres paraissent vides en comparaison on aime, à ce qu’il paraît, encore mieux le déplaisir violent que le plaisir plat.

607.

Mauvaise humeur contre les autres et contre le monde. — Lorsque, comme si souvent, nous mettons notre mauvaise humeur au compte d’autrui, tandis que nous la sentons réellement s’adresser à nous, nous nous efforçons, au fond, d’embrumer et d’abuser notre jugement ; nous voulons motiver