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HUMAIN, TROP HUMAIN

par hasard qu’à voir leur côté extérieur, leur étiolement ou les « défauts de leurs qualités », qui y sont nécessairement attachés — peut-être parce que nous-mêmes nous y avons principalement participé. Alors nous leur tournons le clos et cherchons une direction opposée ; mais le meilleur serait de rechercher les bons côtés importants ou de les créer en soi-même. Il est vrai qu’il faut un regard plus fort et une volonté meilleure pour faire progresser ce qui se fait et n’est point achevé que pour le pénétrer et le renier dans son imperfection.

588.

Modestie. — Il y a une modestie vraie (qui est de reconnaître que nous ne sommes pas notre propre ouvrage) ; et elle convient bien sans doute au grand esprit, parce qu’il peut justement comprendre l’idée de pleine irresponsabilité (même pour le bien qu’il crée). L’immodestie du grand homme n’est pas odieuse en ce qu’il sent sa force, mais parce qu’il ne veut éprouver sa force qu’en blessant les autres, en les traitant en maître et en observant jusqu’à quel point ils le tolèrent. Ordinairement, cela prouve même le manque de sentiment assuré de sa force et fait par là douter les hommes de sa grandeur. En ce sens, l’immodestie ne fût-ce qu’au point de vue de l’habileté, est fort à déconseiller.