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HUMAIN, TROP HUMAIN

destiné à faire oublier le triste jour qui l’a précédé.

475.

L’homme européen et la destruction des nations. — Le commerce et l’industrie, l’échange des livres et des lettres, la communauté de toute la haute culture, le rapide changement de lieu et de pays, la vie nomade qui est actuellement celle de tous les gens qui ne possèdent pas de la terre, — toutes ces conditions entraînent nécessairement un affaiblissement et enfin une destruction des nations, au moins des nations européennes : si bien qu’il doit naître d’elles, par suite de croisements continuels, une race mêlée, celle des hommes européens. À cette fin s’oppose actuellement, sciemment ou non, l’exclusivisme des nations par la production des inimitiés nationales, mais la marche de ce mélange n’en avance pas moins lentement, malgré tous les courants contraires momentanés : ce nationalisme artificiel est au reste aussi dangereux que l’a été le catholicisme artificiel, car il est par essence un état de contrainte, un état de siège forcé, imposé par un petit nombre au grand nombre, et a besoin de ruse, de mensonge et de violence pour se maintenir en crédit. Ce n’est pas l’intérêt du grand nombre (des peuples), comme on aime à le dire, mais avant tout l’intérêt de certaines dynasties princières, puis celui de certaines classes du commerce et de la société, qui mène à ce nationalisme ; une fois qu’on a reconnu ce fait, on ne