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HUMAIN, TROP HUMAIN

tion se décidera enfin si les partis religieux sont assez forts pour revenir à un état ancien et faire machine arrière ; en ce cas, c’est inévitablement le despotisme éclairé (peut-être moins éclairé et plus timide qu’auparavant) qui prendra l’État en main, — ou bien si les partis irréligieux prendront le dessus et alors supprimeront, et finalement rendront impossible la reproduction de leurs adversaires après quelques générations, sans doute par l’école et l’éducation. Mais alors, chez eux aussi, diminuera cet enthousiasme pour l’État : il apparaîtra de plus en plus clairement qu’avec cette adoration religieuse pour laquelle il est un mystère, une institution surnaturelle, ont été ébranlés aussi le respect et la pitié dans les rapports avec lui. Par la suite les individus n’en regarderont plus que le côté où il peut leur être utile ou nuisible, et s’appliqueront par tous les moyens à prendre sur lui de l’influence. Seulement cette concurrence deviendra bientôt, trop grande, les hommes et les partis varieront trop vite, se précipiteront trop férocement les uns les autres jusqu’au bas de la montagne, à peine parvenus à son sommet. À toutes les mesures qui seront exécutées par un tel gouvernement fera défaut leur garantie de durée ; on reculera devant des entreprises qui devraient avoir durant des dizaines, des centaines d’années, une croissance paisible pour avoir le temps de mûrir leurs fruits. Personne ne ressentira plus à l’égard d’une loi