Il faut que le vulgaire ait l’impression qu’il y a là
Une force de volonté puissante, voire inéluctable ;
pour le moins il faut qu’elle paraisse exister. La
volonté forte est admirée de tout le monde, parce
que personne ne l’a et parce que chacun se dit que,
s’il l’avait, il n’y aurait plus de limite pour lui
ni pour son égoïsme. Qu’il soit démontré alors
qu’une pareille volonté forte produise quelque
effet très agréable pour le vulgaire, au lieu d’écouter les vœux de sa convoitise, on l’admire une fois
plus et l’on se félicite soi-même. Au reste, qu’elle
ait toutes les qualités du vulgaire : moins il rougit
devant elle, plus elle est populaire. Ainsi : qu’elle
soit violente, envieuse, exploitrice, intrigante, flatteuse, rampante, bouffie d’orgueil, le tout selon les
circonstances.
Prince et Dieu. — Les hommes se comportent à beaucoup d’égards avec leur prince comme avec leur Dieu, comme d’ailleurs souvent le prince fut le représentant de Dieu, ou du moins son grand-prêtre. Cette disposition de vénération, d’inquiétude et de respect presque pénible s’est faite et est maintenant beaucoup plus faible, mais parfois elle reparaît et s’attache en général aux personnages puissants. Le culte du génie est une réminiscence, de cette vénération des princes-dieux. Partout où l’on s’efforce d’élever des hommes individuelle-