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HUMAIN, TROP HUMAIN


422.

Tragédie de l’enfance. — Il n’est sans doute pas rare que des hommes à tendances nobles et élevées aient à soutenir leur lutte la plus rude dans leur enfance : par exemple parce qu’ils doivent maintenir leur manière de voir contre un père aux pensées basses, adonné à l’apparence et au mensonge ; ou bien, comme lord Byron, vivre en lutte continuelle avec une mère puérile et colérique. Si l’on a subi pareille épreuve, on ne se tourmentera pas, sa vie durant, pour savoir quel a été réellement le plus grand, le plus dangereux ennemi qu’on ait eu.

423.

Sottise de parents. — Les plus grossières erreurs dans l’appréciation d’un homme sont commises par ses parents : c’est un fait, mais comment doit-on l’expliquer ? Les parents ont-ils trop d’expérience de leur enfant et ne sont-ils plus capables de la ramener à l’unité ? On remarque que les voyageurs en pays étrangers ne saisissent bien que dans les premiers temps de leur séjour les traits spécifiques généraux d’un peuple ; plus ils apprennent à connaître ce peuple, plus ils désapprennent à voir en lui ce qu’il y a de typique et de spécial. Dès qu’ils peuvent voir de près, leurs yeux cessent de voir loin. Faudrait-il dire que si les parents jugent à faux l’enfant, c’est qu’ils n’ont jamais