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HUMAIN, TROP HUMAIN

une invention de leur adresse, en ce sens que, par toutes ces idéalisations de l’amour, elles augmentent leur pouvoir et se montrent aux yeux des hommes toujours plus désirables. Mais l’accoutumance séculaire à cette estime exagérée de l’amour a fait qu’elles sont tombées dans leur propre filet et ont oublié cette origine. Elles-mêmes sont à présent plus dupes encore que les hommes, et partant souffrent plus aussi de la désillusion qui se produira presque nécessairement dans la vie de toute femme — à supposer qu’elle ait d’ailleurs assez d’imagination etd’esprit pour pouvoir subir illusion et désillusion.

416.

À propos de l’émancipation des femmes. — Les femmes peuvent-elles d’une façon générale être justes, étant si accoutumées à aimer, à prendre d’abord des sentiments pour ou contre ? C’est d’ailleurs pour cela qu’elles sont rarement éprises des choses, plus souvent des personnes ; mais quand elles le sont des choses, elles en font aussitôt une affaire de parti et ainsi en corrompent l’action pure et innocente. De là naît un danger qui n’est pas méprisable, si on leur confie la politique et certaines parties de la science (par exemple l’histoire). Car qu’y aurait-il de plus rare qu’une femme qui saurait réellement ce que c’est que la science ? Les meilleures mêmes nourrissent à son égard dans