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HUMAIN, TROP HUMAIN

la civilisation universelle. Quand ton regard aura pris assez de force pourvoir le fond dans la fontaine sombre de ton être et de tes connaissances, peut-être aussi, dans ce miroir, les constellations lointaines des civilisations de l’avenir te deviendront visibles. Crois-tu qu’une telle vie avec un tel dessein soit trop pénible, trop dénuée de tous agréments ? C’est que tu n’as pas encore appris qu’il n’est pas de miel plus doux que celui de la connaissance, et que les nuées d’affliction qui planent doivent encore te servir de mamelle, où tu puiseras le lait pour ton rafraîchissement. Vienne l’âge, alors seulement tu verras bien comment tu as écouté la voix de la nature, de cette nature qui gouverne l’univers par le plaisir : la même vie qui aboutit à la vieillesse, aboutit aussi àla sagesse, joie constante de l’esprit dans cette douce lumière du soleil ; l’une et l’autre vieillesse et sagesse, l’arrivent sur un même versant de la vie : ainsi l’a voulu la nature. Alors il est temps sans qu’il y ait lieu de s’indigner, que le brouillard de la mort s’approche. Vers la lumière — ton dernier mouvement ; un hourra de connaissance — ton dernier cri.