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HUMAIN, TROP HUMAIN


souhaiter d’effacer la teinte ironique qui semble répandue sur ces pages. Car s’il est vrai qu’à la production du savant « une foule d’instincts et de petits instincts très humains doivent avoir fourni leur matière », que le savant est d’un métal à la vérité très noble, mais non pur, et qu’il « se compose d’un entrelacement compliqué de mobiles et d’attraits fort divers » : cela est également vrai de la production et de l’être de l’artiste, du philosophe, du génie moral — et de toutes les autres grandes dénominations glorifiées dans ce livre. Tout ce qui est humain mérite, quant à son origine, la considération ironique ; c’est pourquoi l’ironie est dans le monde si superflue.

253.

Fidélité, preuve de solidité. — C’est un indice parfait de la bonté d’une théorie que son auteur n’ait pas en quarante ans pris de méfiance contre elle ; mais je prétends qu’il n’a pas encore existé un philosophe qui n’ait fini par jeter sur la philosophie inventée par sa jeunesse un coup d’œil de mépris — ou du moins de méfiance. — Mais peut-être n’a-t-il rien dit publiquement de ce changement de dispositions, par ambition ou — comme il est probable chez de nobles natures — par un tendre désir d’épargner ses adeptes.