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HUMAIN, TROP HUMAIN


aux époques de civilisation informe et rudimentaire, croyait apprendre à connaître un second monde réel ; là est l’origine de toute métaphysique. Sans le rêve, on n’aurait pas trouvé l’occasion de distinguer le monde. La division en âme et corps se rattache aussi à la plus ancienne conception du rêve, de même que la croyance à une enveloppe apparente de l’âme, partant l’origine de toute croyance aux esprits, et vraisemblablement aussi de la croyance aux dieux. « Le mort continue à vivre ; car il apparaît aux vivants dans le rêve » : c’est ainsi qu’on raisonna jadis, durant beaucoup de milliers d’années.

6.

L’esprit de la science puissant dans le détail, non dans le tout. — Les moindres domaines séparés de la science sont traités de façon purement objective : les grandes sciences générales au contraire mettent, considérées comme un tout, cette question — question, il est vrai, tout idéale — sur les lèvres : pourquoi ? pour quelle utilité ? Par suite de cette préoccupation de l’utilité, elles sont, dans l’ensemble, traitées moins impersonnellement que dans leurs parties. Or, à propos de la philosophie, comme étant le sommet de toute la pyramide des sciences, la question de l’utilité de la connaissance en général se trouve involontairement