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HUMAIN, TROP HUMAIN


l’histoire de la civilisation se déroule devant le regard, comme un réseau de conceptions méchantes, et nobles, vraies et fausses, et qu’au spectacle de ces fluctuations, on se sent souffrir presque du mal de mer, on comprend quelle consolation se trouve dans la conception d’un Dieu en devenir : celui-ci se dévoile toujours de plus en plus dans les transformations et les destinées de l’humanité, tout n’est pas mécanisme aveugle, jeu réciproque de forces n’ayant ni sens ni but. — La divinisation du devenir est une perspective métaphysique — comme du haut d’un phare au bord de la mer de l’histoire, — où une génération d’érudits trop historiens trouvaient leur consolation ; là-dessus on n’a pas le droit de s’irriter, quelque erronée que puisse être cette conception. Seul, un homme qui, comme Schopenhauer, nie l’évolution, ne sent rien non plus de la misère de cette fluctuation historique, et peut donc, ne sachant, ne sentant rien de ce Dieu en devenir et du besoin de l’admettre, exercer sa raillerie avec justice.

239.

Les fruits selon la saison. — Tout avenir meilleur qu’on souhaite à l’humanité est nécessairement aussi, à beaucoup d’égards, un pire avenir : car c’est vision, de croire qu’un nouveau degré supérieur de l’humanité réunira tous les avantages des