l’histoire de la civilisation se déroule devant le
regard, comme un réseau de conceptions méchantes,
et nobles, vraies et fausses, et qu’au spectacle de
ces fluctuations, on se sent souffrir presque du
mal de mer, on comprend quelle consolation se
trouve dans la conception d’un Dieu en devenir :
celui-ci se dévoile toujours de plus en plus dans les
transformations et les destinées de l’humanité, tout
n’est pas mécanisme aveugle, jeu réciproque de
forces n’ayant ni sens ni but. — La divinisation
du devenir est une perspective métaphysique —
comme du haut d’un phare au bord de la mer de
l’histoire, — où une génération d’érudits trop historiens
trouvaient leur consolation ; là-dessus on
n’a pas le droit de s’irriter, quelque erronée que
puisse être cette conception. Seul, un homme qui,
comme Schopenhauer, nie l’évolution, ne sent rien
non plus de la misère de cette fluctuation historique,
et peut donc, ne sachant, ne sentant rien de ce
Dieu en devenir et du besoin de l’admettre, exercer
sa raillerie avec justice.
Les fruits selon la saison. — Tout avenir meilleur qu’on souhaite à l’humanité est nécessairement aussi, à beaucoup d’égards, un pire avenir : car c’est vision, de croire qu’un nouveau degré supérieur de l’humanité réunira tous les avantages des