sont les hommes qui recherchent la nouveauté et
surtout la diversité. Un nombre infini d’hommes de
cette espèce périssent, à cause de leur faiblesse,
sans action visible ; mais en somme, surtout s’ils
ont des descendants, ils servent d’ameublissement
et portent de temps en temps un coup à l’élément
stable d’une communauté. À cet endroit blessé et
affaibli, quelque élément neuf s’inocule en quelque
sorte à l’ensemble de l’être ; mais il faut que sa
force générale soit assez grande pour recevoir en
son sang cet élément neuf et se l’assimiler. Les natures
dégénérescentes sont d’extrême importance
partout où doit s’accomplir un progrès. Tout progrès
en somme doit être précédé d’un affaiblissement
partiel. Les natures les plus fortes conservent
le type fixe, les plus faibles contribuent à le développer.
— Quelque chose d’analogue se produit
pour les hommes pris isolément ; rarement une
décadence, une lésion, même une faute, et généralement
une perte corporelle ou morale, est sans profit
d’un autre côté. L’homme maladif par exemple aura
peut-être, au sein d’une race guerrière et turbulente,
plus d’occasion de vivre pour lui-même et par
là de devenir plus calme et plus sage, le borgne aura
un œil plus fort, l’aveugle verra plus profond dans
l’être intime et en tout cas entendra plus finement.
Dans ces conditions, le fameux combat pour l’existence
me paraît n’être pas le seul point de vue d’où
peut être expliqué le progrès ou l’accroissement de
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HUMAIN, TROP HUMAIN