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HUMAIN, TROP HUMAIN


dans la réminiscence de l’art vrai : sa poésie était devenue un auxiliaire de la réminiscence, de l’intelligence des époques d’art antique, au loin reculées. Ses demandes étaient, à la vérité, irréalisables par rapport à la puissance de l’âge moderne, mais le chagrin qu’il en ressentait fut largement surpassé par la joie qu’un jour elles seraient réalisées et que nous aussi nous pourrons encore participer à cette réalisation. Pas d’individus, mais des masques plus ou moins idéaux ; pas de réalité, mais une généralité allégorique ; les caractères d’époque, les couleurs locales, volatilisés presque jusqu’à l’invisible et rendus mythiques ; la sensation actuelle et les problèmes de la société actuelle resserrés en les formes les plus simples, dépouillés de leurs qualités attractives, surexcitantes, pathologiques, rendues sans effet dans tout autre sens que le sens artistique ; pas de matières et de caractères neufs, mais les anciens, dès longtemps accoutumés, dans une série toujours continuée de revivification et de reformation : voilà l’art tel que Gœthe le comprenait tardivement, tel que les Grecs et aussi les Français le pratiquaient.

222.

Ce qui reste de l’art. — Il est vrai, l’art a une valeur bien plus grande dans certaines hypothèses métaphysiques, par exemple si la croyance est