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HUMAIN, TROP HUMAIN


ancienne il soit souvent arrivé la même chose qui maintenant se produit à nos yeux et à nos oreilles dans le développement de la musique, notamment de la musique dramatique : tandis que d’abord la musique, dépourvue de la danse et de la mimique (langage des gestes) qui l’explique, est un vain bruit, l’oreille, par une longue accoutumance à cette association de musique et de mouvement, est instruite à interpréter sur-le-champ les figures de sons et arrive enfin à un degré de compréhension rapide, où elle n’a plus du tout besoin du mouvement visible et comprend sans lui le compositeur. On parle alors de musique absolue, c’est-à-dire de musique où tout est sur-le-champ compris symboliquement, sans plus de secours auxiliaire.

217.

L’immatérialité du grand art. — Nos oreilles, grâce à l’exercice extraordinaire de l’entendement par le développement artistique de la musique nouvelle, se sont faites toujours, plus intellectuelles. Ce qui fait que nous supportons des accents beaucoup plus forts, beaucoup plus de « bruit », c’est que nous sommes beaucoup mieux exercés à écouter en lui la signification, que nos ancêtres. De fait, tous nos sens, par cela même qu’ils demandent d’abord la signification, par conséquent ce que « cela veut dire » et non plus ce que « c’est », se