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HUMAIN, TROP HUMAIN


hommes voyaient dans l’instinct aphrodisiaque une divinité et le sentaient agir en eux avec une reconnaissance portée à l’adoration, cette passion s’est dans le cours du temps compliquée de séries de conceptions plus élevées, et par là s’est en effet beaucoup ennoblie. C’est ainsi que quelques peuples, grâce à cet art d’idéalisation, ont fait de certaines maladies de puissants auxiliaires de la civilisation : par exemple les Grecs qui, dans les siècles antérieurs, souffraient de grandes épidémies nerveuses (sous forme d’épilepsie et de danse de St-Guy) et en ont formé le type magnifique de la Bacchante. — Les Grecs ne possédaient rien moins qu’une santé équilibrée ; — leur secret était de rendre même à la maladie, pourvu qu’elle eût de la puissance, les honneurs d’une divinité.

215.

Musique. — La musique n’est pas en soi et pour soi tellement significative de notre être intime, si profondément émouvante, qu’elle pût passer pour le langage immédiat du sentiment ; mais son antique union avec la poésie a mis tant de symbolisme dans le mouvement rythmique, dans les forces et les faiblesses du son, que nous avons maintenant l’illusion qu’elle parle directement à l’être intime et provienne de l’être intime. La musique dramatique n’est possible que lorsque l’art des sons a