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HUMAIN, TROP HUMAIN


ment parce qu’ils ne reconnaissent pas aux lecteurs ordinaires la capacité de saisir la mesure que suivait la période dans sa première forme : c’est pourquoi ils leur donnent une facilité, en accordant la préférence à des rythmes plus connus. — Cet égard à l’incapacité rythmique du lecteur actuel a déjà arraché maint soupir, car beaucoup de choses lui ont été déjà sacrifiées. — Est-ce qu’il n’en arrive pas de même à de bons musiciens ?

199.

L’incomplet comme attrait artistique. — L’incomplet produit souvent plus d’effet que le complet, notamment dans le panégyrique : pour son but, on a besoin précisément d’une piquante lacune, comme d’un élément irrationnel, qui fait miroiter une mer devant l’imagination de l’auditeur et, pareil à une brume, couvre le rivage opposé, par conséquent les bornes de l’objet qu’il s’agit de louer. À citer les mérites connus d’un homme, si on est complet et étendu, on fait toujours naître le soupçon que ce soient làses seuls mérites. L’homme qui loue complètement se met au-dessus de celui qu’il loue, il semble le voir de haut. C’est pourquoi le complet produit un effet d’affaiblissement.

200.

Précaution en écrivant et en enseignant.