entre l’artiste, qui crée ses œuvres sur une hauteur
isolée, et le public, qui n’est plus capable de monter
à cette hauteur et enfin redescend plus bas avec
chagrin. Car lorsque l’artiste n’élève plus son
public, celui-ci tombe rapidement, et sa chute est
d’autant plus profonde et périlleuse qu’un génie l’a
porté plus haut, semblable à l’aigle, des serres
duquel la tortue enlevée dans les nues retombe
pour son malheur.
Origine du comique. — Si l’on considère que l’homme, durant bien des cent mille années, fut un animal accessible à la crainte au suprême degré, et que tout ce qui est soudain, inattendu, lui commandait d’être prêt à combattre, peut-être prêt à mourir, que même plus tard encore, en état de société, toute la sécurité reposait sur l’attendu, sur la tradition dans la pensée et l’activité, on ne peut pas s’étonner qu’en présence de toute chose soudaine, inattendue en parole et en action, quand elle se produit sans danger ni dommage, l’homme soit soulagé, passe à l’opposé de la crainte : l’être tremblant d’angoisse, ramassé sur lui-même, se détend, se déploie à l’aise, — l’homme rit. C’est ce passage d’une angoisse momentanée à une gaîté de courte durée qu’on nomme le comique. Au contraire, dans le phénomène du tragique, l’homme