superficielle, quand nous lui attribuons tel ou tel
caractère : c’est à cette situation très imparfaite
vis-à-vis de l’homme que répond le poète, en faisant (c’est en ce sens qu’il « crée ») des esquisses
d’hommes aussi superficielles que l’est notre connaissance des hommes. Il y a beaucoup de poudre
aux yeux dans ces caractères créés par les artistes ;
ce ne sont pas du tout des produits naturels incarnés, mais semblables aux hommes peints un peu
trop légèrement,ils ne supportent pas d’être regardés de près. Même quand on dit que le caractère
des hommes vivants ordinaires se contredit souvent,
que celui que crée le dramaturge est le modèle qui
a flotté devant les yeux de la nature, cela est tout à
fait faux. Un homme réel est quelque chose d’absolument nécessaire (même dans ces soi-disant contradictions), mais nous ne connaissons pas toujours
cette nécessité. L’homme inventé, le fantôme, a la
prétention de signifier quelque chose de nécessaire,
mais seulement pour des gens qui ne comprennent
un homme réel que dans une simplification grossière et antinaturelle : si bien qu’un ou deux gros
traits souvent répétés, avec beaucoup de lumière
dessus et beaucoup d’ombre et de demi-obscurité
autour, satisfont complètement leurs prétentions.
Ils sont ainsi facilement disposés à traiter le fantôme comme un homme réel, nécessaire, parce
qu’ils sont accoutumés à prendre dans l’homme réel
un fantôme, une silhouette, une abrévation arbi-
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HUMAIN, TROP HUMAIN