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HUMAIN, TROP HUMAIN


florissait avec le plus de force, il exerce donc une influence rétrograde. "L’artiste s’engage de plus en plus dans la vénération des excitations soudaines, croit aux dieux et aux démons, anime la nature, prend la science en haine, devient mobile dans ses tendances, comme les hommes dé l’antiquité, et souhaite un bouleversement de toutes les conditions qui ne sont pas favorables à l’art, et cela avec la violence et l’injustice d’un enfant. Or, de soi l’artiste est déjà un être arriéré parce qu’il reste dans le jeu, qui convient à la jeunesse et à l’enfant : à cela vient s’ajouter que peu à peu il subit une déformation qui le fait rétrograder en d’autres temps. Ainsi finit par se produire un violent antagonisme entre lui et les hommes du mêraeâge de son époque, et une fin troublée ; ainsi, d’après les récits des anciens, Homère et Eschyle finirent par vivre et mourir dans la mélancolie.

160.

Hommes créés. — Quand on dit que l’auteur dramatique (et généralement l’artiste) crée réellement des caractères, c’est là une belle illusion et exagération, dans l’existence et la propagation de laquelle l’art célèbre un triomphe qu’il n’a pas voulu et qui est pour ainsi dire surabondant. En fait, nous ne savons pas grand’chose d’un homme réellement vivant et nous faisons une généralisation très