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HUMAIN, TROP HUMAIN


de frisson fiévreux, — ce fut la dernière jouissance que l’antiquité inventa, après qu’elle-même se fut blasée au spectacle de la chasse aux bêtes et des luttes de l’homme.

142.

Pour résumer ce qui a été dit : cet état d’âme où se plaît le saint ou l’apprenti saint se compose d’éléments que nous connaissons bien tous, sauf que, sous l’influence d’autres idées que les religieuses, ils se montrent avec une nuance tout autre, et alors encourent d’ordinaire le blâme des hommes autant que, dans cette chamarrure de religion et d’ultime signification de l’être, ils peuvent compter sur l’admiration, la vénération même, — du moins autant qu’ils y pouvaient compter dans des temps antérieurs. Tantôt, ce que pratique le saint, c’est ce défi à lui-même qui est parent du désir de domination à tout prix et même au plus solitaire donne la sensation de la puissance, tantôt son sentiment débordant saute, du désir de donner carrière à ses passions, au désir de les arrêter court comme des chevaux sauvages, sous la pression puissante d’une âme fière ; tantôt il veut une cessation complète de tous les sentiments destructeurs, torturants, excitants, un sommeil éveillé, un repos durable au sein d’une indolence brute, animale et végétative ; tantôt il cherche la lutte et l’allume en lui parce que l’en-