fonde paix de l’âme qu’on doit leur demander, et
par exemple parle « de tout l’Évangile certain dans
le regard de la Madone chez Raphaël », nous accueillons de pareilles expressions et démonstrations
avec une disposition particulièrement cordiale : le
philosophe a ici trop de facilité à prouver, il répond
par ce qu’il lui plaît de donner à un coeur qui se plaît
à le prendre. À ce propos, l’on remarque combien
les libres esprits trop peu circonspects ne sont choqués proprement que des dogmes, mais reconnaissent très bien le charme du sentiment religieux ; ils
ont peine à laisser aller le dernier à cause des premiers. — La philosophie scientifique doit être fort
sur ses gardes pour ne pas aller, en raison de ce
besoin — besoin acquis et conséquemment aussi
passager— introduire des erreurs en contrebande :
même des logiciens parlent de « pressentiments »
de la vérité dans la morale et l’art (par exemple
du pressentiment, « que l’essence des choses est
une ») : c’est pourtant ce qui devrait leur être interdit. Entre les vérités diligemment découvertes et
de pareilles choses « pressenties », il reste cet abîme
infranchissable que celles-là sont dues à l’intelligence, celles-ci au besoin. La faim ne prouve pas
qu’il y a un aliment pour la satisfaire, mais elle
désire cet aliment. « Pressentir » ne signifie pas :
reconnaître à aucun degré l’existence d’une chose,
mais la tenir pour possible, dans la mesure où on
la désire ou la craint ; le « pressentiment » ne fait
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HUMAIN, TROP HUMAIN