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HUMAIN, TROP HUMAIN


113.

Le Christianisme comme antiquité. — Lorsque, par un matin de dimanche, nous entendons vibrer les vieilles cloches, nous nous demandons : Est-ce bien possible ! cela se fait pour un Juif crucifié il y a deux mille ans, qui se disait le Fils de Dieu. La preuve d’une pareille affirmation manque. — Assurément la religion chrétienne est dans nos temps une antiquaille subsistante d’un temps fort reculé, et le fait que l’on donne généralement créance à son affirmation, — tandis qu’on est d’ailleurs devenu si sévère dans l’examen des assertions — est peut-être la pièce la plus antique de l’héritage. Un Dieu qui fait des enfants à une mère mortelle ; un sage qui recommande de ne plus travailler, de ne plus tenir d’assises, mais d’être attentif aux signes de la fin du monde imminente ; une justice qui accepte l’innocent comme victime suppléante ; quelqu’un qui commande à ses disciples de boire son sang ; des prières pour obtenir des miracles ; des péchés commis contre un Dieu, expiés par un Dieu ; la peur d’un au-delà, dont, la mort est la porte ; la figure de la croix comme symbole, dans un temps qui ne connaît plus la signification et la honte de la croix — quel vent de frisson nous arrive de tout cela, comme sortant du sépulcre de passés très antiques ! Croirait-on que l’on croie encore à pareille chose ?