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HUMAIN, TROP HUMAIN


vons joliment doré, nous t’avons bien engraissé, nous t’avons offert les sacrifices, et cependant tu es si ingrat. » De pareilles mesures de rigueur contre des images de saints et de la Mère de Dieu, quand ils ne voulaient pas faire leur devoir, en temps par exemple de peste et de sécheresse, se sont produites encore pendant ce siècle dans des pays catholiques.

Toutes ces relations magiques avec la nature donnent naissance à d’innombrables cérémonies ; et enfin, quand le brouillamini en est devenu trop grand, on s’efforce de les ordonner, de les systématiser, de façon que l’on croit s’assurer la marche favorable de tout le cours de la nature, notamment de la grande révolution annuelle, par la marche correspondante d’un système de procédure. Le sens du culte religieux est de déterminer et d’enrôler la nature au profit de l’homme, par conséquent de lui imprimer un caractère de légalité qu’elle n’a pas d’avance, au lieu qu’à l’époque actuelle c’est la légalité de la nature qu’on veut connaître pour pénétrer en elle. Bref, le culte religieux repose sur les idées d’enchantement d’homme à homme ; et l’enchanteur est plus ancien que le prêtre. Mais il repose aussi sur d’autres idées plus nettes ; il suppose les relations sympathiques d’homme à homme, l’existence de la bienveillance, de la reconnaissance, de l’audience accordée aux suppliants, des contrats entre ennemis, du prêt des garanties, du droit à la