plaisir, d’intérêt, de méchanceté, de perfidie, que
ce soit en actes de sacrifice, de pitié, de recherche
scientifique. Les degrés du jugement décident dans
quelle direction chacun se laissera entraîner par ce
désir ; il y a continuellement présente à chaque
société, à chaque individu,une hiérarchie des biens
d’après laquelle il détermine ses actes et juge ceux
d’autrui. Mais cette échelle de mesure se transforme continuellement, beaucoup d’actes s’appellent
méchants et ne sont que bêtes, parce que le niveau
de l’intelligence qui s’est décidée pour eux était
très bas. Mieux encore, en un certain sens, aujourd’hui encore tous les actes sont bêtes, parce que le
niveau le plus élevé de l’intelligence humaine qui
peut être atteint actuellement sera sûrement encore
dépassé : et alors, en regardant en arrière, toute
notre conduite et tous nos jugements paraîtront
aussi bornés et irréfléchis que la conduite et les jugements de peuplades sauvages arriérées nous apparaissent aujourd’hui bornés et irréfléchis. — Se
rendre compte de tout cela peut causer une profonde
douleur, mais il y a une consolation : ces douleurs
là sont des douleurs d’enfantement. Le papillon veut
briser son enveloppe, il la déchiquette, il la déchire :
alors vient l’aveugler et l’enivrer la lumière inconnue,
l’empire de la liberté. C’est dans des hommes qui sont
capables de cette tristesse — qu’ils seront peu —
que se fait le premier essai de savoir si l’humanité,
de morale qu’elle est, peut se transformer en sage.
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HUMAIN, TROP HUMAIN