chant » nous fait tout d’abord penser au dommage
volontaire fait au prochain et à la communauté. Ce
n’est pas entre « égoïste » et « altruiste » qu’est la
différence fondamentale qui a porté les hommes à
distinguer le moral de l’immoral, le bon du mauvais,
mais bien entre l’attachement à une tradition, à une loi, et la tendance à s’en affranchir.
La manière dont la tradition a pris naissance est à ce
point de vue indifférente ; c’est en tout cas sans
égard au bien et au mal ou à quelque impératif
immanent et catégorique, mais avant tout en vue
de la conservation d’une communauté, d’une race,
d’une association, d’un peuple ; tout usage superstitieux qui doit sa naissance à un accident interprété à faux, produit une tradition qu’il est moral
de suivre ; s’en affranchir est en effet dangereux,
plus nuisible encore à la communauté qu’à l’individu (parce que la divinité punit le sacrilège et toute
violation de ses privilèges sur la communauté et
par ce moyen seulement sur l’individu). Or, toute
tradition devient continuellement plus respectable
à mesure que l’origine s’en éloigne, qu’elle est plus
oubliée ; le tribut de respect qu’on lui doit va s’accumulant de génération en génération, la tradition
finit par devenir sacrée et inspirer de la vénération ;
et ainsi la morale de la piété est une morale en
tout cas beaucoup plus antique que celle qui demande des actions altruistes.
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HUMAIN, TROP HUMAIN