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HUMAIN, TROP HUMAIN


Dans ce cas, l’homme veut se faire plaisir à lui-même, mais aux dépens des autres hommes, ou bien en les menant à se faire une fausse opinion de lui, ou bien vise à un degré de « bonne opinion » où elle doit devenir pénible à tous les autres (en excitant l’envie). L’individu veut d’ordinaire, par l’opinion d’autrui, accréditer et fortifier à ses propres yeux l’opinion qu’il a de soi ; mais la puissante accoutumance à l’autorité — accoutumance aussi vieille que l’homme — mène beaucoup de gens à appuyer même sur l’autorité leur propre foi en eux, partant à ne la recevoir que de la main d’autrui : ils se fient au jugement des autres plus qu’au leur propre. — L’intérêt qu’on prend à soi-même, le désir de se satisfaire, atteint chez le vaniteux un niveau tel qu’il conduit les autres à une estime de soi-même fausse, trop élevée, et qu’ensuite il s’en rapporte néanmoins à l’autorité des autres : ainsi il introduit l’erreur, et cependant y donne créance. — Il faut donc bien s’avouer que les vaniteux ne veulent pas tant plaire à autrui qu’à eux-mêmes, et qu’ils vont assez loin pour y négliger leur avantage : car ils mettent de l’importance souvent à mettre leurs semblables en des dispositions défavorables, hostiles, envieuses, partant désavantageuses pour eux, rien que pour avoir la satisfaction de leur Moi, le contentement de soi.