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pourvu qu’elle soit vigoureuse, saine et naturelle. Strauss lui-même sacrifie aussi souvent que possible cette croyance, qui n’est qu’un pis-aller, pour nous indemniser par son savoir et pour présenter, avec une conscience tranquille, à ceux qu’il appelle « nous » ses connaissances scientifiques de récente date. Autant il met de timidité à parler de foi, autant il arrondit sa bouche et amplifie sa voix, lorsqu’il cite Darwin, le plus grand bienfaiteur de la plus récente humanité. Alors il exige non seulement la croyance au nouveau messie, mais il veut aussi que l’on ait foi en lui, le nouvel apôtre, par exemple lorsqu’il parle du thème le plus embrouillé des sciences naturelles et qu’il proclame avec une fierté vraiment antique : « On me dira que je parle de choses que je ne comprends pas. Fort bien. Mais d’autres viendront qui les comprennent et qui m’ont compris moi aussi » (p. 207). D’après cela il paraîtrait presque que les fameux « nous » doivent être limités non seulement à la foi en l’univers, mais encore à la croyance au naturaliste David Strauss. Il ne nous resterait alors plus qu’à souhaiter que, pour rendre sensible cette dernière croyance, on ne se servît point de moyens aussi pénibles et aussi cruels que ceux dont on usa pour aboutir à la première. Ou bien suffirait-il même de martyriser l’objet de la foi et non point le croyant lui-même pour provoquer cette « réaction religieuse » qui est la marque de la «