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pas fait preuve du contraire. Et cette preuve ne pourra être faite que par un bien petit nombre. Car, combien y en a-t-il qui, après avoir pris part à la course halelante et acharnée de la science actuelle, parviendront à conserver le regard tranquille et courageux de l’homme civilisé qui lutte (pour peu qu’ils l’aient jamais possédé), ce regard qui condamne cette course, parce qu’elle est un élément barbare ? C’est pourquoi ce petit nombre est forcé de vivre dans une contradiction perpétuelle. Que pourraient-ils faire contre la croyance uniforme d’une foule innombrable qui a fait de l’opinion publique sa patronne et qui se soutient mutuellement par cette croyance ? Cela ne sert de rien qu’un seul individu se prononce contre Strauss, alors que le nombre s’est déclaré en sa faveur et que les masses conduites par le nombre ont appris six fois de suite à demander le narcotique du magister philistin.

Nous avons admis, sans plus, que la profession de foi exprimée dans le livre de Strauss a triomphé auprès de l’opinion publique, laquelle a souhaité la bienvenue au vainqueur. Mais l’auteur voudrait peut-être nous rendre attentif au fait que les jugements multiples portés sur son livre, dans les journaux, ne revêtent nullement un caractère d’unanimité, et sont loin d’être absolument favorables, de sorte qu’il a été lui-même forcé de faire, dans un post-scriptum, des réserves sur le ton