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de l’univers, pour entendre chanter ses louanges de toutes les bouches, chacun pouvant croire que c’est lui qui considère ainsi le monde et la vie, en sorte que Strauss verrait réaliser en sa personne ce qu’il demande seulement à l’avenir.

Par là s’explique aussi, en partie, le succès extraordinaire de cet ouvrage. « Nous vivons ainsi qu’il est ici décrit, c’est l’image de notre existence de bonheur ! » s’écrie le savant, et il se réjouit de voir que d’autres s’en réjouissent. S’il pense autrement au sujet de Darwin, par exemple, ou de la peine de mort, cet écart lui paraît sans importance parce que, dans l’ensemble, il a l’impression de respirer sa propre atmosphère et d’entendre l’écho de sa voix et de ses besoins. Quel que soit l’effet pénible que puisse faire cette unanimité de sentiment sur tout ami véritable d’une culture allemande, il lui faut chercher, avec une sévérité implacable, à expliquer ce phénomène et ne pas redouter de publier son explication.

Certes, nous connaissons tous la façon particulière à notre époque de cultiver les sciences, nous la connaissons parce qu’elle est notre vie même. Et c’est pourquoi presque personne ne se pose la question de savoir quels pourraient être, pour la « culture », les résultats d’un pareil usage des sciences, en admettant même que l’on trouve partout les meilleures facultés et la volonté la plus loyale d’agir en vue de la civilisation. L’âme même d’un homme