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avec l’affectation de supériorité et de maturité dans l’expérience — c’est tout cela que je déteste dans ce livre. Si je pouvais imaginer qu’il existe des jeunes gens qui supportent la lecture d’un pareil livre, des jeunes gens capables de l’apprécier, je serais forcé de renoncer avec tristesse, à tout espoir en leur avenir. Cette profession de foi d’un pauvre esprit philistin désespéré et véritablement méprisable serait-elle vraiment l’expression du sentiment de plusieurs milliers d’individus, de ces individus que Strauss appelle « nous » et qui seraient les pères des générations futures ? Ce sont là des perspectives épouvantables pour celui qui aimerait encourager les races à venir à réaliser ce que le présent ne possède pas... je veux dire une culture véritablement allemande. Pour celui-là le sol semble couvert de cendre, toutes les étoiles paraissent obscurcies ; chaque arbre qui a péri, chaque champ dévasté semble lui crier : tout cela est stérile et perdu ! Ici il n’y a plus de printemps ! Il sera pris d’un sentiment analogue à celui qui s’empara du jeune Gœthe lorsqu’il jeta un coup d’œil dans le triste crépuscule athée du Système de la nature. Ce livre lui parut si gris, si cimmérien, si sépulcral qu’il eut de la peine à supporter sa présence, qu’il s’effraya devant lui comme devant un fantôme.