Page:Nietzsche - Considérations inactuelles, I.djvu/37

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sans esprit, des fanatiques qui ne stimulent et n’élèvent point et qui espèrent cependant avoir une longue influence historique et dominer l’avenir. Combien plus nous faut-il veiller à placer aussi ce fanatisme-là sous le contrôle de la raison ! Lichtenberg[1] croit même qu’il y a des fanatiques sans talent et que c’est alors que ces fanatiques deviennent des gens vraiment dangereux. Provisoirement nous demandons, pour pouvoir exercer ce contrôle de la raison, à ce que l’on réponde franchement à trois questions. Premièrement : comment les croyants de la nouvelle foi se figurent-ils le ciel ? En deuxième lieu : jusqu’où va le courage que lui procure la foi nouvelle ? En troisième lieu : comment écrit-il ses livres ? Strauss, le sectateur, doit répondre aux deux premières questions, Strauss, l’écrivain, répondra à la troisième.

Le ciel du nouveau croyant ne pourra être ailleurs que sur la terre, car « la perspective chrétienne d’une vie éternelle et divine, de même que les autres consolations, sont irrémédiablement perdues » pour celui qui se place au point de vue de Strauss, « ne fût-ce que sur un pied » (p. 364). Cela n’est pas sans importance qu’une religion s’imagine son ciel fait de telle ou telle façon ; et, s’il est vrai que le christianisme ne connaît pas

  1. G. Ch. Lichtenberg (1742-1799), mathématicien distingué, laissa des aphorismes curieux, où se trouve un singulier mélange d’esprit français et d’érudition allemande. — N. d. T.