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préférences une formule générale et de grand effet, il parlera de « santé » et éloignera le trouble-fête gênant en l’accusant d’être malade et exalté.

C’est ainsi que David Strauss, un véritable satisfait en face de nos conditions de culture, un philistin-type, parle une fois, avec des tournures de phrases caractéristiques de la « philosophie d’Arthur Schopenhauer, pleine d’esprit, il est vrai, mais souvent malsaine et peu profitable ». Car une circonstance fâcheuse veut que ce soit surtout sur ce qui est « malsain et peu profitable » que « l’esprit » aime à descendre avec une particulière sympathie et que le philistin lui-même, lorsqu’il lui arrive d’étre loyal envers lui même, éprouve en face des produits philosophiques que ses semblables mettent au jour quelque chose qui ressemble beaucoup à du manque d’esprit, bien que ce soit d’une philosophie saine et profitable.

Il arrive, çà et là, que les philistins, à condition qu’ils soient entre eux, boivent une bonne bouteille et se souviennent honnètement et naïvement, lorsque la langue se délie, des grands faits de guerre auxquels ils ont pris part. Alors bien des choses viennent au jour que l’on cache généralement avec crainte. Il arrive même, à l’occasion, que l’un d’eux se mette à révéler les secrets essentiels de toute la confrérie. Récemment, un esthéticien notoire, appartenant à l’école de la raison de Hegel, a eu un de ces moments de franchise. Le prétexte, il est