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contournées la profession de foi philistine de son auteur, inventa de plus une formule pour la déification de la vie quotidienne. Elle affirma que tout ce qui est réel est raisonnable et, par là, elle gagna les bonnes grâces du philistin cultivé qui, bien qu’il aime les embrouillaminis, se considère, lui seul, comme une réalité, et envisage cette réalité comme la mesure de la raison. Dès lors, le philistin cultivé permit à chacun et à lui-même, de réfléchir, de faire des recherches esthétiques et scientifiques, avant tout de faire des vers, de la musique et même des tableaux, sans oublier les systèmes philosophiques, à condition, bien entendu, qu’à aucun prix il n’y eût quelque chose de changé et qu’on se gardât bien de toucher à ce qui est raisonnable et « réel », c’est-à-dire au philistin. Le philistin aime bien, il est vrai, s’abandonner de temps en temps aux débauches agréables et audacieuses de l’art, au scepticisme des recherches historiques, et le charme de pareils sujets de distraction et d’amusement est pour lui d’une certaine importance. Mais il sépare rigoureusement des futilités le « sérieux de la vie », et il entend par là ses affaires, sa position, y compris sa femme et ses enfants ; et au nombre de ces futilités il compte à peu près tout ce qui touche à la culture. C’est pourquoi, malheur à l’art qui voudrait se prendre au sérieux, à l’art qui aurait des exigences et toucherait à ses affaires, à ses