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la continuité du christianisme sur cette terre et lui donnèrent en quelque sorte sa stabilité. La grandeur ne doit pas dépendre du succès et Démosthène a de la grandeur bien qu’il n’eût point de succès. Les adhérents les plus purs et les plus véridiques du christianisme ont toujours mis en doute son succès temporel, ce que l’on a appelé sa « puissance historique » ; ils ont plutôt entravé ce succès qu’ils ne l’ont accéléré. Car ils avaient coutume de se placer en dehors du « monde », ne s’occupant point du « processus des idées chrétiennes », c’est pourquoi, la plupart du temps, ils sont demeurés, dans l’histoire, parfaitement inconnus. Pour m’exprimer au point de vue chrétien, je dirai que le diable gouverne le monde et qu’il est le maître du succès et du progrès. Dans toutes les puissances historiques, il est la véritable puissance, et, en somme, il en sera toujours ainsi, bien qu’il soit désagréable de se l’entendre dire, pour une époque habituée à diviniser le succès et la puissance historique. Car notre époque s’est précisément exercée à appeler les choses d’un nouveau nom et à débaptiser le diable lui-même. Nous nous trouvons certainement à l’heure d’un grand danger : les hommes semblent prêts à découvrir que l’égoïsme des individus, des groupes et des masses a été de tous temps, le levier des mouvements historiques. Mais, en même temps, on n’est nullement inquiété par