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on devrait savoir qu’il n’y a qu’une seule façon de les honorer, c’est de continuer à chercher dans le même esprit qu’eux et avec le même courage et de ne point se fatiguer de pareilles recherches. Par contre, leur accrocher l’épithète douteuse de « classiques » et s’ « édifier » de temps en temps à la lecture de leurs œuvres, c’est s’abandonner à ces élans faibles et égoïstes que nos salles de théâtre et de concert promettent à leur public payant. Il en sera de même si on leur dresse des statues, si l’on donne leur nom à des sociétés ou si l’on célèbre des fêtes en leur honneur. Tout cela ne sont que des payements en monnaie sonnante, à quoi consent le philistin cultivé, pour pouvoir les ignorer pour le reste, et avant tout pour ne pas être forcé de marcher sur leurs traces et de poursuivre leurs recherches. Car, il faut cesser les investigations, c’est là le mot d’ordre des philistins.

Ce mot d’ordre avait jadis un certain sens. C’était dans les dix premières années du XIXe siècle, lorsque les vagues des recherches et des expériences multiples commencèrent à se soulever et à s’entrecroiser en Allemagne, lorsque les destructions, les promesses, les pressentiments et les espérances atteignirent de telles proportions que la moyenne de la bourgeoisie intellectuelle craignit avec raison pour elle-même. Elle haussa les épaules, à bon droit, devant ces mélanges de philosophies fantastiques et incongrues, devant ces considérations sur l’his-