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on veut que les hommes travaillent et se rendent utiles dans l’usine de la science, avant d’avoir atteint leur maturité, on ruine la science dans le plus bref délai, aussi bien que l’on ruine les esclaves employés de trop bonne heure à cette usine. Je regrette que l’on soit obligé de se servir déjà de l’argot des propriétaires d’esclaves et des employeurs, pour décrire des conditions de vie qui devraient être imaginées pures de tout utilitarisme et à l’abri des nécessités de l’existence. Mais involontairement des expressions comme « usine », « marché du travail », « offre et demande », « exploitation » — et quels que soient les autres termes qui qualifient les auxiliaires de l’égoïsme — vous viennent aux lèvres, lorsque l’on veut décrire la plus jeune génération des savants. L’honnête médiocrité devient toujours plus médiocre, la science, au point de vue économique, toujours plus utilitaire. Les savants dernier modèle ne sont, en réalité, instruits que sur un seul point — sur ce point là, il est vrai, ils sont plus instruits que tous les hommes du passé, mais sur tous les autres points ils sont — pour parler avec prudence — seulement infiniment différents de tous les savants de l’ancien modèle.

Ils n’en réclament pas moins pour eux des honneurs et des avantages, comme si l’État et l’opinion publique étaient tenus de regarder les nouvelles monnaies comme étant d’aussi bon aloi que les anciennes. Les charretiers ont fait entre eux