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harmonies originales de ce concert historique. Il est impossible alors de deviner ce qu’il y avait là de solide et de puissant, tant les accords ténus et aigus prennent le dessus. Les sons originaux éveillaient l’image d’actions, d’angoisses, de terreurs ; ceux-ci nous bercent et font de nous des jouisseurs douillets. C’est comme si l’on avait arrangé pour deux flûtes la symphonie héroïque pour qu’elle fasse les délices de fumeurs d’opium abîmés dans leurs rêves. À cette mesure on pourra évaluer ce qu’il en est, chez ces virtuoses, des aspirations supérieures de l’homme moderne à une justice plus haute et plus pure. Une pareille vertu est dépourvue de complaisance, elle ne connaît pas les émotions charmantes, elle est dure et épouvantable. Quel rang inférieur occupera dans l’échelle des vertus, si on l’évalue d’après cette échelle, la générosité qui est pourtant la vertu de quelques rares historiens ! Parmi eux, un plus grand nombre ne parvient que jusqu’à la tolérance, à l’acceptation de ce qui ne peut pas être nié, à l’arrangement et à l’enjolivation mesurée et bienveillante, avec la sage conviction que le vulgaire croira à de l’esprit de justice, quand le passé est raconté sans de durs accents et sans une expression de haine. Mais seule la force prépondérante peut juger, la faiblesse doit tolérer, quand elle ne veut pas affecter de la force et faire de la justice du prétoire une comédienne.

Or, il reste encore une autre, une terrible catégorie